•  

    Derrière ces noms se cachent des champs gaziers (et accessoirement pétroliers) récemment découverts  à l’est du bassin méditerranéen , situés dans ce qu'on appelle le bassin du Levant et qui sont sur le point de changer la donne géopolitique de toute une région.

    Sont impliqués directement : Israël, le Liban, Chypre, la Turquie, et d’une manière plus indirecte l’Egypte, la Grèce, la Syrie …. Tout cela sous l’œil attentif des USA, de la Russie, de l’Australie, aussi bien inquiets pour la paix (relative…) dans la région - qu’intéressés par la participation à l’exploitation de la manne du sous-sol marin.

    Vu l’ampleur du gisement potentiel et des sommes en jeu, les considérations écologiques et de transition énergétique ne pèsent évidement pas très lourd.
    Dans les lignes qui suivent je vais tenter de passer en revue quelques  aspects de ce dossier, de faire une sorte de « vulgarisation géopolitique ». Tout ce que j’écris ici n’est pas nouveau, ni un scoop, mais je pense qu’un résumé simple pourrait être utile.

    Il faudra évidement suivre les évolutions de cette affaire. Il y a déjà eu des revirements d’alliance en très peu de temps – on ne sera donc pas à l’abri de surprises. En premier lieu il reste à espérer qu’elles seront non-violentes, car il est inutile de rappeler qu’un grand nombre de conflits armés ont leurs racines dans des disputes autours des ressources.

     

    Le champ gazier de « Tamar » a été découvert en 2009, il est le premier à être entré en exploitation en avril 2013. Il se situe à 90km environ des cotes nord d’Israël. Il est toujours hasardeux de donner des estimations quant aux quantités de gaz présentes, mais l’estimation « moyenne »  est qu’à lui seul il donnera l’indépendance énergétique pour une cinquantaine d’années à l’état d’Israël ,  jusque là dépendante d’importations de fuel, de charbon et de gaz Egyptien …. D’un point de vue « transition » l’utilisation du gaz au lieu du charbon est  une bonne chose, même si on reste dans du « fossile ». Le gaz est acheminé vers la côte à la hauteur d’Ashdod par le moyen d’un gazoduc sous-marin. L’opérateur majoritaire dans ce gisement est la société américaine Noble-Energy, bien connue des provençaux …..


    lv-is

    (source :http://www.leblogfinance.com/)

     

    Un peu plus loin au large à été découvert en 2010 le gisement baptisé « Léviathan », encore plus prometteur. Léviathan n’est pas encore exploité car il génère des problèmes de tracé de frontières et des problèmes techniques dus à son éloignement des côtes.

    Israël considère que Léviathan se situe dans sa ZEE, tracée unilatéralement et contestée par le Liban. Ce litige n’est pas encore réglé, même les Nations Unies se sont déclarées incompétentes à ce sujet. Les deux pays ne sont pas signataires des mêmes conventions et le Liban n’a ni les moyens techniques ni la flotte navale pour « imposer » son tracé. Si vous aimez les imbroglios de la juridiction de la haute mer, l’excellent article d'Hugo Chauvin vous explique tout.    Vous y apprenez entre autres que la France y soutient discrètement le Liban, Total cherche du travail …

    Le gisement de Léviathan est tellement prometteur qu’au-delà de l’indépendance énergétique il pourrait faire d’Israël un pays  exportateur de gaz.

    Mais il se trouve très loin au large ce qui m’amène  à faire une parenthèse technique :

    Le gaz se « transporte  mal » en état. Sur terre ou de courtes distances marines on peut l’acheminer sous forme gazeuse dans des gazoducs. Mais pour pouvoir l’exporter et le transporter de manière  plus efficiente il faut le liquéfier. Or, les solutions qui s’offrent seront très couteuses et demanderont des milliards de dollars d’investissements : soit l'acheminer par gazoduc vers le continent pour le liquéfier en Israël, (estimé à 4 milliards de Dollars !) soit construire une usine de liquéfaction en haute mer. Une autre hypothèse est sur la table : acheminer par gazoduc vers Chypre et construire une usine de liquéfaction en partenariat avec Chypre sur cette ile. D’autant que Chypre est sur le point de trouver son propre gisement au sud de l’ile – dont je parlerai ci-dessous.

    De « technique », le problème glisse alors vers « politique », avec l’implication et / ou contestation de la Turquie. Pour le moment aucune décision définitive n’a été prise.

     

    « Aphrodite » est le nom d’une des 13 parcelles attribuées par Chypre pour la recherche gazière au sud de son Ile. Apparemment c’est encore Noble-Energy qui a tire le gros lot car les spéculations vont bon train sur un nouveau gisement spectaculaire. La Turquie, dont la partie chypriote n’est pas reconnue par la communauté internationale, réclame évidement sa part du gâteau et se fait menaçante. Mais là aussi les investissements nécessaires seront colossaux, d’où l’idée chypriote d’un partenariat avec Israël. D’autres aspects de ce gisement dans cet article des Echos .

     Chypre compte sur ce gisement pour sauver sa situation financière par l’exportation de gaz, mais compte aussi sur les pays Européens pour assurer la sécurité de la zone, la Turquie ayant déjà dépêché des moyens militaires sur place !

     

    La Palestine est également un producteur potentiel de gaz qui pourrait considérablement améliorer sa situation financière. Le gisement dit « Gaza marine » au large de la bande de Gaza a été attribué déjà en 1999 à la société British Gaz et est aujourd’hui encore au point mort. Au début l’état d’Israël a fait obstruction à toute tentative d’exploitation de ce gisement, mais sa position a évolué sans véritablement débloquer le chantier. Le gouvernement israélien se dit désormais prêt à aider la Palestine, voire de lui acheter de ce gaz, mais refuse  de traiter avec le Hamas depuis sa prise de pouvoir dans la bande de Gaza en 2006.

     

    La Syrie qui a également une centaine de kilomètres de côtes entre le Liban et la Turquie  est actuellement en « incapacité » de faire des campagnes d’exploration …

     

    Un aspect rarement abordé concerne la rentabilité de tous ces projets. Ils ne seront rentables qu’à la condition que le prix du gaz reste relativement élevé. En effet, le forage profond et « ultra profond » (au delà de - 1 500 mètres) en haute mer suivie de transport en gazoduc sous-marin et de liquéfaction est extrêmement couteux. A titre d’exemple : l’installation de la plateforme de Tamar a couté la bagatelle de 3 milliards de Dollars. Une éventuelle exploitation des gaz de schistes en Europe qui pourrait faire baisser les prix du marché serait très mal vue par les Pays du Proche-Orient concernés

     

    Les possibles dégâts environnementaux des forages en Méditerranée orientale sont dénoncés par le WWF    "Le fond de l'est de la Méditerranée regorge d'une vie d'un type très spécial et unique. WWF condamne fermement les forages aveugles sur des réserves de biodiversité qui pourraient causer  des dommages irréparables", affirme dans un communiqué  Sergi Tudela, chef du département pêches au WWF.  "WWF appelle donc les pays de l'est de la Méditerranée — en particulier

    Chypre, l'Egypte, Israël et  le Liban — et l'union Européenne  à   assurer que les standards environnementaux les plus élevés soient établis concernant les développements actuels et futurs lors des forages de gaz et de pétrole en eaux profondes dans l'est de la Méditerranée"

     

    La gouvernance méditerranéenne est actuellement en panne, mais je pense que la situation délicate et conflictuelle autour des ressources potentielles en hydrocarbures de cette région  pourrait être une occasion unique de relancer la moribonde UPM – « Union pour la Méditerranée »  – initiée par Nicolas Sarkozy en 2008.  Tenter de réunir tous les acteurs et riverains autour d’une table, discuter et résoudre les litiges de tracés de frontières maritimes, fixer un cadre strict de sécurité environnementale des exploitations …. ce serait un grand pas en avant.  On peut rêver ….

    .

    Achim Gertz   pour « Objectif Transition »

     

    Pour approfondir :

    http://siliconwadi.fr/8191/le-gaz-en-israel 

     


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  • Il n y a pas meilleure entrée en matière pour la "nouvelle orientation" de mon blog que cet excellent article de Hervé Vaudoit dans la Provence du 28 Mai 2013 , reproduit ci-dessous. Il a fait un excellent travail de recherche, car les informations disponibles sur les recherches pétrolières dans nos pays voisins sont rares et difficiles à dénicher.
    - Il y a d'un coté la thématique des "frontières" tracées au large de nos cotes et qui ne vont pas sans disputes:  On apprend ainsi que la France et l'Espagne ne se sont pas consultés du tout et que leurs ZEE respectives se recoupent largement. La question de l'arbitrage est clairement posée : Union Européenne, Nations Unies ... ?

    Dire que l'Espagne a délivré des permis de recherches pétrolières à l'intérieur de la ZEE française ! Pour l'instant les conflits géopolitiques se règlent "à l'amiable", mais parions que cela ne saura pas toujours être la cas, surtout dans la partie est de la Méditerranée. (j'y reviendrai dans ce blog !)

    - d'un autre coté la question écologique est juste abordé ici, mais apparemment en Espagne les mêmes résistances de la part des défenseurs du milieu marin se font entendre.


    Le  doute commence à se lever: la création des  ZEE a bien principalement pour objectif l'affirmation des droit sur l'exploitation à venir des ressources sous-marines.

     

     

    France - Espagne : le bras de fer

    Les deux pays viennent de décréter une zone économique exclusive en Méditerranée, avec un vaste territoire marin revendiqué des deux côtés. Et sur lequel l'Espagne a déjà accordé des permis de prospection pétrolière

    Economie - France - Espagne : le bras de fer
    La Provence
    Cartographie des zones d'exploitation économique françaises, espagnoles et eaux territoriales.

    En bagarre depuis une bonne cinquantaine d'années pour le partage des zones de pêche en Atlantique et en Méditerranée, la France et l'Espagne s'affrontent désormais sur un autre terrain : celui du partage des éventuels gisements d'hydrocarbures en Méditerranée.

    Une dispute sur le front diplomatique

    Trois siècles et demi après la fin du dernier conflit armé entre les deux pays, cette dispute pourrait rouvrir un front, non pas militaire, mais diplomatique entre la France et sa turbulente voisine.

    Car depuis six mois, c'est à une table de poker menteur que les deux nations semblent s'être virtuellement assises, avec pour enjeu les réserves de pétrole ou de gaz qui pourraient être découvertes dans cette zone.

    Le calendrier de cette affaire est d'ailleurs éloquent.

    Le 14 octobre 2012, c'est la France qui tire la première, en créant par décret - et sans négociation préalable avec l'Espagne - une zone économique exclusive (ZEE) dont les limites recoupent parfaitement celles de la zone de protection écologique (ZPE) instituée en 2004 pour lutter avec plus d'efficacité contre les dégazages sauvages au large de ses côtes.

    Trois mois plus tard, l'Espagne fait feu à son tour en accordant à une entreprise britannique, Capricorn Spain Limited, douze permis de prospection pétrolière baptisés Nordeste 1 à 12 au large de la Catalogne, dont une bonne moitié à l'intérieur de la nouvelle ZEE française.

    Le 17 avril, un décret royal porté par le ministère de la présidence espagnol enfonce le clou en instituant à son tour une ZEE, dont une vaste zone fait également partie du territoire marin revendiqué par la France.

    Depuis, rien ne bouge entre les deux pays

    Depuis, rien ne bouge entre les deux pays, à tout le moins en apparence, quand bien même cette guéguerre conduite dans une relative discrétion susciterait déjà de sérieuses inquiétudes, en France comme en Espagne.

    Début décembre dernier, le député (EE-LV) de Gardanne, François-Michel Lambert, a ainsi adressé une question écrite au ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, à l'origine du décret transformant la ZPE française en ZEE.

    Dans sa réponse, publiée début mars, Laurent Fabius récapitule les raisons qui avaient poussé la France à créer cette ZPE en 2004, et notamment le naufrage du pétrolier Erika, en décembre 1999, puis justifie la substitution en expliquant "qu'en matière d'exploration, d'exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles se trouvant dans les eaux, sur le fond de la mer et dans son sous-sol, la création d'une zone économique exclusive s'avérait nécessaire."

    D'autant plus nécessaire qu'au moment où le Quai d'Orsay formulait cette réponse, l'État ne pouvait guère ignorer la décision espagnole d'accorder des permis de prospection pétrolière à l'intérieur de cette même zone.

    Prudent, le ministère des Affaires étrangères notait toutefois dans sa réponse que "la création de cette zone économique exclusive (...) ne préjuge en rien des délimitations maritimes entre États", annonçant que "les limites de la ZEE seront modifiées, le cas échéant, en fonction des accords de délimitation qui seront conclus avec les États riverains."

    Pas de négociation officielle engagée

    Pour l'heure, on semble assez loin d'un tel accord, aucune négociation officielle ayant été engagée entre les deux pays. Contacté, le ministère des Affaires étrangères n'a pas donné suite à nos demandes d'explications. Pas plus que le ministère de la présidence espagnol, silencieux malgré nos sollicitations réitérées.

    Il est vrai que des deux côtés des Pyrénées, les questions liées à une possible exploitation pétrolière en Méditerranée restent d'une extrême sensibilité.

    En France, c'est le fameux permis Rhône-Maritime, au large de Marseille et Toulon, qui avait mis le feu aux poudres en 2011.

    En Espagne, ce sont les permis de prospection accordés en 2010 entre Valence et Ibiza qui avaient déclenché la colère des organisations écologistes et des professionnels du tourisme, très inquiets à l'idée de voir des plateformes d'exploitation s'installer un jour au large de leurs plages, alors même que la plateforme Deepwater Horizon crachait encore des millions de litres de brut dans le golfe du Mexique.

    La plus gigantesque marée noire ayant jamais affecté les côtes américaines et mexicaines avait certes rendu inaudible le discours officiel minimisant les risques qu'une telle catastrophe puisse avoir lieu en Méditerranée.

    Dans le cas des permis Nordeste, les mêmes causes risquent bel et bien de produire les mêmes effets. D'autant que le périmètre où Capricorn Spain Limited est autorisée à prospecter se situe dans le voisinage immédiat de plusieurs réserves marines reconnues, notamment celle des îles Medes, en Espagne, et à proximité de zones connues des biologistes pour abriter plusieurs espèces de cétacés.

    Une autre bataille en perspective.


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