• Je tenais à publier ici un dernier point de vue, celui de l'association "Colineo-Assenemence', pour l'avoir trouvé particulièrement clair, précis, percutant, mais relativement court. Il s'agit du texte de la contribution de l'association à l'enquête publique qui se termine aujourd'hui même.

     

    Avis de l’association Colinéo émis à l’occasion de l’Enquête Publique unique relative à la modification des conditions d’exploiter l’usine d’alumine de Gardanne (ALTEO GARDANNE) et à la demande de renouvellement de la concession d’occupation du Domaine Public Maritime (ALUMINIUM PECHINEY)

     

    Du 17 août 2015 au 25 septembre 2015

    Préambule

    Depuis plus de 100 ans, l’usine de Gardanne produit de l’alumine à partir du minerai de Bauxite engendrant jusqu’en 1966, des pollutions et nuisances terrestres à proximité du site notamment. A partir de cette date, les autorités ont permis aux industriels de transférer une partie de cette pollution vers des zones « moins visibles », dans la mer, au large de Cassis.

    Ainsi, depuis bientôt 50 ans, ce sont plus de 300 millions de tonnes de déchets toxiques (résidus de Bauxite, métaux lourds, effluents liquides souillés…) qui ont été déversés et se sont déposés dans le canyon de la Cassidaigne. Ces déchets industriels produisent différents impacts environnementaux notables dont les effets se ressentiront encore dans plusieurs siècles sur un milieu exceptionnel en termes de Biodiversité, raison pour laquelle la Charte du Parc National des Calanques décrit les fonds du canyon sous-marin de la Cassidaigne comme milieu de très haute valeur patrimoniale.

     

    A la faveur de la ratification par la France en 1978 de la convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution (dite Convention de Barcelone), l’industriel s’était engagé à réduire les quantités de résidus solides rejetés dans la mer et à respecter les normes inscrites dans ladite Convention, notamment en ce qui concerne les résidus liquides.

    En application de l’arrêté préfectoral du 1er juillet 1996, les rejets solides ou « boues rouges » en mer seront arrêtés au 31 décembre 2015. Mais aujourd’hui, l’industriel demande une nouvelle dérogation ; à l’arrêté ministériel du 2 février 1998, pour poursuivre les déversements d’effluents liquides et en outre, dépasser très fortement les normes environnementales en vigueur concernant 6 paramètres : pH, DCO, DBO5, Arsenic, Fer et Aluminium (voir tableau de dépassement des normes ci-dessous).

     

    Paramètre

    Concentration future des rejets (mg/l)

    Valeur limite d’émission (VLE) (mg/l)

    Arrêté ministériel du 02/02/1998 

    pH

    12,4

    9

    Aluminium

    1226

    5

    Arsenic

    1,7

    0,05

    Fer

    13

    5

    DCO

    800

    125

    DBO3

    80

    30

     

    La présente enquête publique vise donc à prolonger un « permis de polluer » alors même que nous ne connaissons pas les conséquences réelles des dépôts actuels sur la faune, la flore, la santé, l’économie locale… Comment et en quelles quantités se diffusent ces polluants ? Que se passera-t-il en cas d’évènement naturel (séisme, phénomène climatique exceptionnel ou récurent tels les upwellings) ? C’est tout un ensemble de questions qui restent sans réponse en l’absence d’études approfondies.

    Les effluents liquides

    Les dépôts polluants issus de l’usine de Gardanne, qu’ils soient solides ou liquides, ont trop longtemps été tolérés dans le canyon de la Cassidaigne. L’arrêt total des rejets solides ou boues rouges marque une première étape pour la protection de la Méditerranée contre les pollutions mais reste insuffisant. Cet arrêt total doit concerner également les effluents liquides pollués.

     

    Nous ne connaissons pas encore les conséquences des dépôts, de leur diffusion et de leur propagation dans la mer et les organismes vivants qu’elle abrite.

    L’Autorité Environnementale indique dans son avis du 01/08/2015 que les modèles de courantologie utilisés pour modéliser la zone d’influence des rejets dans l’étude d’impact ne sont pas complets. En effet, ils n’intègrent pas certains facteurs saisonniers de dispersion tels les « upwellings » estivaux, pourtant jugés « très importants pour le devenir des effluents rejetés » dans l’étude d’impact soumise à enquête publique. Nous rejoignons donc l’avis de l’Autorité Environnementale quand elle précise que des études complémentaires à d’autres saisons auraient dû être effectuées pour disposer d’un modèle de dispersion fiable ou robuste.

    L’expertise demandée par la Ministre de l’Écologie, Ségolène ROYAL, à l’IFREMER, spécialiste des milieux marins en France, a été rendue le 26 janvier 2015 mais n’a porté que sur les effets d’une contamination au Mercure et à l’Arsenic pour lesquels il conclut ne pas disposer de suffisamment de données dans le milieu marin et préconise de réaliser un panel d’inventaires et de suivis sur ces métaux mais aussi sur d’autres « métaux et composés de bauxite, susceptibles de poser problème ».

    La tierce expertise demandée au BRGM quant aux différentes solutions technologiques de traitement des boues rouges et effluents liquides indique que toutes les alternatives de traitement n’ont pas été développées par ALTEO (ex : solutions combinées) et demanderaient à être approfondies et complétées par l’étude des impacts de ces rejets en milieu marin, ce qui n’a pas été demandé au BRGM : « Il est important de rappeler qu’il n’est pas demandé au BRGM de se prononcer sur l’impact des rejets en mer » (p.11, Tierce expertise BRGM, Décembre 2014).

     

    La méconnaissance des conséquences des dépôts actuels et des futurs rejets sur le milieu marin, y compris chez les experts scientifiques, aurait dû conduire les pouvoirs publics à faire valoir le « Principe de précaution » (Sommet de Rio, Traité de Maastricht en 1992) depuis plus de vingt ans ou au moins dix ans à la faveur de l’adoption de l’article 5 de la Charte de l’Environnement (Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005).

    Pour mémoire, l’article 5 de la Charte de l’Environnement est ainsi rédigé : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. » 

     

    Ainsi, l’arrêt immédiat des dérogations « à polluer » doit constituer une priorité pour la Méditerranée particulièrement dans un site classé Parc National des Calanques pour la richesse de sa biodiversité notamment marine. Une telle décision ne peut-être considérée comme brutale car la diminution progressive puis l’arrêt des rejets en mer devaient être anticipée depuis plusieurs dizaines d’années. Mais, le laxisme des pouvoirs publics, l’incertitude des effets des rejets sur l’écosystème et le chantage social aux pertes d’emplois ont permis à l’industriel de poursuivre ses émissions polluantes.

    Rappelons tout de même que sur un plan économique, la préservation de la richesse et de la qualité environnementale du Parc National des Calanques et de la Méditerranée en général, constitue un enjeu majeur pour l’attractivité et l’économie du territoire (pêche, tourisme, activités de loisirs, qualité de vie…). Tous ces emplois directs ou indirects « durables » doivent également être intégrés à l’équilibre socio-économique du territoire, au même titre que les emplois industriels.


     

    Les résidus solides et la décharge de Mange-Garri (Bouc-Bel-Air)

    L’arrêt du déversement des boues rouges dans le canyon de la Cassidaigne implique différentes transformations et aménagements du process industriel, tels qu’un transfert de ces résidus solides vers la décharge de Mange-Garri ou la valorisation de certains résidus en Bauxaline. Rappelons tout d’abord que contrairement à ce que laisse croire l’étude d’impact, ce « déchet commercial » n’est pas si inerte que ça : « Les mesures effectuées montrent que la radioactivité de la Bauxaline ® (concentration en uranium et thorium naturels) ne peut être négligée sur le plan de la radioprotection. Le niveau de rayonnement gamma sur cette décharge est en effet 4 à 8 fois supérieur à celui enregistré sur le terrain naturel local. » (CRIIRAD, 10 décembre 2014).

    De fait, l’évaluation des impacts relatifs à la modification des conditions d’exploiter l’usine d’alumine de Gardanne doit donc inclure l’ensemble des impacts associés à cette modification, y compris les conséquences et modifications envisagées suite à l’arrêt des rejets solides en mer voire des rejets liquides, ainsi que le prévoit la règlementation sur les études d’impact des projets (art. L122-1-II. du Code de l’Environnement).

     

    Restauration des milieux marins et terrestres

    La question des garanties financières pour la remise en état des sites mobilisés et/ou pollués par les industriels, tant en milieu terrestre que marin, n’est quasiment pas abordée. Nous ne pouvons approuver le rejet de nouvelles pollutions alors même que celles en place n’ont fait l’objet d’aucune étude de dépollution ou de remise en état, particulièrement en milieu marin benthique dont on sait que les dépôts actuels continueront à se diffuser pendant encore plusieurs centaines d’années, voire plus.

    L’étude de la réhabilitation des milieux impactés doit donc constituer une priorité, à minima pour stopper la dispersion/diffusion des dépôts actuels.

     

    Conclusion

    Ainsi, considérant que :

    -          Les experts scientifiques (IFREMER, BRGM) préconisent l’acquisition de données complémentaires (autres périodes, inventaires, suivis) pour palier au manque de connaissance ;

    -          En l’absence de ces données, le « Principe de Précaution » doit être appliqué ;

    -          Les industriels ont disposé de plusieurs dizaines d’années pour anticiper l’arrêt des déversements en milieu marin ;

    -          L’évaluation des impacts globaux de la mise en décharge supplémentaire des résidus solides et, plus généralement, de la gestion des déchets issus de la production d’alumine n’est pas présentée dans l’étude d’impact ;

    -          La restauration des milieux déjà impactés n’est quasiment pas abordée dans l’étude d’impact, notamment en milieu marin.

     

    Colinéo émet un AVIS DÉFAVORABLE À LA POURSUITE DES REJETS D’EFFLUENTS LIQUIDES EN MER et par voie de conséquence, un avis défavorable à la demande de renouvellement de la concession d’occupation du Domaine Public Maritime

    Pour le Conseil d’Administration : 

    Marseille, le 22 septembre 2015

    La Présidente,

    Signé

     

    Monique BERCET


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  • rejets d'Alteo : pour EELV c'est NONVeuillez trouver ci-dessous le communiqué des élus régionaux EELV PACA  qui accompagne sa contribution à l’enquête publique en cours. On peut dire que l'élaboration de leur position ne s'est pas faite sans hésitation. Je pense que la forte mobilisation des collectifs est pour beaucoup dans cette position ferme et claire, et je rajouterais 'tant mieux'. Le dernier mot sera pour le Préfet qui devrait avoir du mal à dire 'OUI' aux rejets, vu le nombre d'irrégularités et incohérences révélées et déposées par tous les opposants entre les mains du commissaire enquêteur.  Mais la décision sera probablement politique, qui, entre les ministère de l'environnement et celui de l'économie l'emportera ?
     
     
    Marseille, le 08 septembre 2015
     
    Les élus écologistes régionaux défavorables à la poursuite des rejets liquides en mer de l’entreprise ALTEO de Gardanne (13)
     
    Alors qu’une enquête publique est en cours jusqu’au 25 septembre 2015 pour statuer sur la demande de l’entreprise ALTEO Gardanne pour prolonger l’autorisation de rejeter en méditerranée ses effluents pour 30 ans, les élu-e-s écologistes au Conseil Régional ont déposé un avis défavorable auprès du commissaire enquêteur.
     
    Depuis 1966, l'entreprise bénéficie d’une dérogation à la législation environnementale l’autorisant à rejeter des résidus liquides et solides à 230 mètres de profondeur dans le canyon de Cassidaigne, en plein cœur du Parc National des Calanques. Cette dérogation est prévue de prendre fin au 31 décembre 2015, obligeant ALTEO à cesser à cette date tous types de rejets (solides et liquides) en Méditerranée.
    La société ALTEO prévoit bien de respecter l’arrêt en mer de ses rejets solides (boues rouges), grâce notamment à l’installation de filtres-presse, mais soutient qu’il n’existe à ce jour pas de solution économiquement viable à l’arrêt de ses rejets liquides.
     
    Les élu-e-s régionaux écologistes ont déposé, mardi 08 septembre 2015, en mairie de la Ciotat leur contribution à l’enquête publique après un échange avec les commissaires enquêteurs qui tenaient leur permanence dans cette commune du littoral.
     
    Il est à rappeler que depuis l’arrêté préfectoral du 1er juillet 1996, l’exploitant est pleinement informé que « la société devra cesser tout rejet en mer au 31 décembre 2015 ».
     
    « Ce long délai de 20 ans qui fixait la fin d’autorisation de rejets solides et liquides pour trouver une solution aux rejets en mer aurait dû permettre à l’industriel de faire évoluer ses méthodes de fabrication d’alumines pour respecter les normes s’appliquant à tous ses rejets dans l’environnement » écrivent les élu-e-s écologistes dans leur contribution à l’enquête publique.
     
    Et les élu-e-s de conclure : « L’entreprise ALTEO n’a pas à nous faire choisir entre « l’emploi » et « l’environnement » et (…) qu’ « à moins que l’entreprise ne prenne des engagements fermes et précis d’ici la fin de l’enquête publique sur un procédé de traitement de l’eau, ou sur toute autre solution alternative aux rejets en mer, qui nécessiteraient, l’un ou l’autre, un délai d’adaptation, nous vous demandons par conséquent de ne pas donner d’avis favorable dans vos conclusions à cette enquête publique. »
     
     
     
    Marc Sendra,
    coordinateur du groupe des élus régionaux EELV-Poc

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